Techniciens biomédicaux, Infirmières, Ingénieurs biomédicaux, Cadres de santé et Médecins sont essentiels pour la bonne prise en charge du patient.

HAITI - Janvier 2010

 

TREMBLEMENT DE TERRE EN HAÏTI – Le 12 janvier 2010
4 techniciens, Jean-Pierre Garcia Perez, Bertrand Bonnet, Max Treffre et Hervé Correia ont intégré les équipes de RDRTF/ISN-MSF pour assurer la maintenance du service de dialyse..

 

Jean Pierre GARCIA PEREZ, technicien supérieur à l’AURAL
Le dimanche 24 janvier 2010, je suis avec Peter qui fait partie de la première équipe (Ingénieur biomédical en Belgique). Il a beaucoup travaillé pour remettre en fonctionnement le traitement d’eau ainsi que les 3 générateurs apportés par MSF et donnés par la " Renal Disaster Relief Task Force "(RDRTF). Il m’explique la situation du centre de dialyse et les aspects critiques concernant la partie technique :
Le traitement d’eau ne produit pas assez d’eau face à la consommation des générateurs. Ainsi, il faut que le niveau d’eau de la cuve de stockage de l’eau osmosée soit au plus haut.
Les pompes de l’osmoseur chauffent anormalement et Peter a mis un ventilateur pour les refroidir
Lundi 25 janvier, arrêt de la production de l’eau osmosée car les membranes sont colmatées. Commande à CULLIGAN de 100 bidons d’eau osmosée en attendant la réparation. L’adoucisseur a été remis en fonctionnement pour remplir la cuve si besoin, comme on le pratiquait avant dans la dialyse.

Avec Frandzi, le technicien qui faisait, avant la maintenance du traitement d’eau (il s’est arrêté car on ne le payait plus), nous avons détartré les membranes avec de l’acide chlorhydrique local. Rectification, c’est Frandzi qui l’a fait, car la déontologie française et les bonnes pratiques m’imposaient de changer les membranes à cause des conséquences pour le patient. Il a frappé la membrane sur un arbre, car elle ne se décalcifiait pas assez et ainsi cela lui permettait de décoller le tartre de la membrane. Ensuite, nous avons réinstallé les membranes et après un rinçage sur l’osmoseur, le traitement d’eau était de nouveau opérationnel avec un débit plus important. Le contrôle de la qualité de l’eau (adoucisseur et osmoseur) a été fait par Frandzi en gouttant l'eau, car nous n’avions pas de test.
Devant mes interrogations sur l’efficacité et la qualité de l’eau, il m’a dit qu’il faisait toujours comme cela et qu’apparemment les patients n’en souffraient pas.
Les autres jours ont été ponctués de :
Coupures de courant qui ont permis de tester le groupe électrogène de l’hôpital, il a même manqué une phase sur le triphasé d’où plus de lumière ou presque..
Les 3 générateurs GAMBRO n’ont pas posé de problèmes à part le changement d’une sonde de conductivité. Ce n’est pas du tout le cas des 4 générateurs B BRAUN qui, faute d’entretien, m’ont fait les pires misères. Ainsi, un générateur B BRAUN est rapidement tombé en panne, une carte de puissance électronique a grillé, et je n’avais pas la pièce pour la réparation. Les autres appareils ont eu des problèmes comme une alarme « fuite de sang ».
On m’a demandé de tester nos acides provenant de France avec les générateurs B BRAUN. Nous n’avions pas les mêmes dilutions. Nous avons dilué l’acide avec de l’eau osmosée pour avoir la bonne concentration en conductivité et le bon ratio de pompe.
J’ai essayé de former le technicien de dialyse local, mais il s’est avéré incompétent. J’ai insisté sur la nécessité d’avoir un technicien efficace en pensant à Frandzi. Avec l’aide des médecins néphrologues d’Haïti, nous avons convaincu le directeur de l’hôpital de l’embaucher.
Pour pérenniser le traitement d’eau, j’ai fait appel à tous les moyens sur place, tant auprès des ONG, que le personnel hospitalier pour obtenir des devis afin de remplacer le matériel qui allait tomber en panne. J’ai pu contacter Willfredo, (un technicien de Saint-Domingue) qui s’occupait gratuitement des générateurs B BRAUN, pour qu’il vienne, après mon départ, s’occuper de la maintenance
Quand j’avais un peu de temps, j’ai aussi fait le brancardier ou l’assistant des infirmières quand elles en avaient besoin
Le 31 janvier 2010, suite de la mission par Bertrand, technicien de Nantes
J’ai pris connaissance de l’état des lieux et de l’avancement des « travaux » effectués par mes prédécesseurs…
Une formation « express » et efficace effectuée par Jean Pierre sur les modes de fonctionnement des différents équipements, générateurs Braun, traitement d’eau, groupe électrogène et autres, et me voilà « opérationnel » pour poursuivre la mission.
Dans un premier temps, j’ai modifié les presets des générateurs Gambro qui n’étaient pas adaptés au fonctionnement du pays, quelques bugs au niveau des options qui n’étaient pas présentes rendaient le générateur plus difficile à maitriser. J’ai donc sur les conseils de Didier B modifié les programmes de manière à ce que le générateur soit le plus simple possible à utiliser.
Dans un second temps et suite à la promesse d’embauche de Frandzy en tant que technicien, j’ai commencé une formation express afin qu’il puisse se débrouiller sur les pannes de niveau 1.
Jean Pierre avait bien vu, ce gars semble assez doué et comprends vite ce qu’on lui explique, les quelques essais de pannes que j’ai pu lui montrer ont été résolus, mais hélas les Gambro sont utilisées en permanence et nous ne pourrons pratiquer que quelques heures durant toute ma mission.

Les Générateurs Gambro étant parfaitement opérationnels, il ne restait plus qu’à réparer les Braun, ce fut chose faite grâce à l’intervention de Willfredo qui maîtrisait la machine.

Willfredo à gauche formant Frandzy à droite.
Il ne restait plus qu’à « sécuriser » le traitement d’eau. L’achat de deux moteurs neuf à permis à Frandzy d’avoir du matériel opérationnel pour l’alimentation en eau dure et en eau osmosée. En effet les moteurs existants avaient quelques heures derrière eux !!!
Le 05 mars 2010, suite de la mission par un de mes collègues de Nantes, Hervé Correia
La mission est de réceptionner 5 générateurs AK200 venant de Martinique.
Il a eu quelques soucis pour les faire sortir de douane et il a rencontré quelques difficultés sur les AK200S déjà en place puisque deux alimentations avaient grillé ! Le réseau électrique n’est pas le même qu’en France ! Heureusement, des dons de pièces détachées ont sauvé la situation, après avoir continué la formation de Frandzy il a remis en état et réparé les Générateurs Gambro, il était temps puisqu’il ne restait plus qu’un générateur Braun et un Gambro opérationnel.
Ma mission s’est achevée après 10 jours, malgré de grosses appréhensions je reviens satisfait du travail accompli, des rencontres que j’ai faites, des sourires … et des larmes que j’ai partagé. Une expérience inoubliable…
Un mois après la catastrophe, la première phase de notre action d’urgence qui était de traiter les crush syndromes, les insuffisances rénales aiguës et assurer la dialyse aux patients chroniques a bien fonctionné, le service de néphrologie va se pérenniser par l’envoi de 4 autres générateurs GAMBRO et d’un traitement d’eau lors de la deuxième phase. Bien sûr, nous continuerons notre mission avec la détection de nouveaux patients chroniques, elle s’accompagnera de formation pour les infirmières et le technicien jusqu’a la fin de la mission pour RDRTF.
Dans le pays le plus pauvre d’Amérique et après le décès de 217 000 milles personnes, trois cent mille blessés graves, plus d’un million de sans-abri sont livrés à eux même, sans eau courante, ni électricité. L’arrivée de la saison des pluies prépare un autre drame. Poursuivons notre effort de façon différente, car ce pays a besoin de nous encore pour longtemps.

Merci aux équipes de MSF et de la RDRTF par leur soutien moral et dans le travail.
N’oublions pas Anne Marie CADART, la coordinatrice en France, qui a informé ma famille et l’AURAL de la mission.
Merci aux collègues de travail qui nous ont remplacés.
Merci aux familles et aux amis (es) de leurs soutiens tout au long de l’année.
   
Témoignage :    
   

Jean Pierre GARCIA PEREZ
Technicien supérieur biomédical
Je suis très fier d’avoir participé à cette chaîne de solidarité qui a associé plusieurs associations, AURAL, JIPSA SOLIDAR, AFIDTN, et surtout RDRTF.
La mission fut dure devant la complexité des problèmes à résoudre, mais quelle chance de travailler avec cette équipe de MSF et ces professionnelles de la dialyse.
Le technicien doit faire preuve d’adaptation devant les problèmes techniques, car tout est à faire ou à résoudre dans l’urgence et sous la pression. Le tout avec peu de moyens:Traitement d’eau, coupure de courant, arrêt de la distribution de l’eau et bien sur les générateurs de dialyse.
Il ne faut pas oublier qu’il doit analyser la situation pour anticiper et pérenniser le service de dialyse en coordonnant les services techniques locaux (plombier, électriciens). Il aide l’équipe en étant disponible comme brancardier par exemple.
Beaucoup de choses ont été dites sur la situation à Haïti, je retiendrais la volonté du peuple haïtien à s’en sortir et de resté digne devant toute cette malchance. Un peuple attachant envers qui j’ai gardé des contacts tout en espérant pouvoir les aider à nouveau.
Ce fut une expérience extraordinaire tant humainement que techniquement. J’ai vraiment donné le meilleur de moi-même lors de la mission pour les soutenir et être près d’eux. Je sais qu’il reste encore tellement à faire, mais je ne vais pas les oublier.